Burey bambata

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BUREY BAMBATA (De grands nuages / The great clouds) 2019, film super 8, N&B, sonore, 13'10, France, Niger

Essai documentaire, politique, poétique, métaphysique

En novembre 2016, avec le soutien de l'équipe du Centre Culturel Franco-Nigérien Jean Rouch, à Niamey, et avec la collaboration d'une poignée d'artistes nigériens, nous organisâmes La traversée, 5ème apparition du Nuage qui parlait qui cette fois-ci questionna l'hypothèse d'un départ et celle d'un retour. Les scènes ont été tournées à Niamey et ses abords, durant deux performances dans l'espace public. Ce film témoigne de ce qui s'est réellement passé après plusieurs semaines de préparation.

 

24 novembre 2016, Niamey Niger
C'est le jour de la traversée
Le fleuve est grand
Le fleuve est fort
Il va falloir passer
Je ne sais pas si nous y arriverons

November 24th, 2016, Niamey, Niger
The day to get across has dawned
The river is large
Mighty is the tide
We must get across
I do not know if we will make it 

 

Ces quelques mots sont l’incipit du dernier film de Yo-Yo Gonthier, que l’artiste a réalisée en 2019 à Niamey au Niger. Ces quelques mots sont le manifeste poétique du film et, en filigrane, nous en disent tout autant sur le travail plastique qu’a développé l’artiste au cours de la dernière décennie. Quelques mots plein d’un espoir simple et radical qui jamais ne fait défaut aux images de l’artiste; un espoir du quotidien enraciné dans une nature porteuse de sens et d’histoire(s).

Burey Bambata, (De grands nuages) est une ôde collective à rever. Yo-Yo Gonthier choisit comme protagoniste de la vidéo le Nuage, cette sculpture de tissu de plusieurs mètres réalisée en 2013 et réactivée à plusieurs reprises lors de performances à travers le monde, de Dakar à Niamey en passant par La Réunion et Abidjan. Dans ce film, épopée visuelle tournée à la caméra Super 8, Yo-Yo Gonthier fait se rencontrer les rêveries fantasques d’un artiste comme inventeur génial et la richesse sémantique ancrée dans l’histoire de coutumes vernaculaires qui touchent tant à l’histoire personnelle de l’artiste qu’à celle d’une partie de l’Afrique. Ce film questionne en particulier l'idée de la migration et de l'hypothèse d'un retour.

Un groupe d’hommes, de femmes et d’enfants se sont rassemblés sous le Nuage. Ils le portent au dessus de leur tête, ne formant plus qu’un seul être hybride avec la sculpture. Une procession jusqu’au fleuve Niamey s’engage. Elle traverse des paysages inspirants de calme, étroitement liés à des imaginaires d’ailleurs mais dont on doute parfois du caractère réel : l’image que génère la caméra Super 8 a ici la texture ouatée d’un songe. Souvent se crée à l’image une tension entre la sensation d’un mouvement - le Nuage qui traverse l’image par exemple - et la stabilité du cadrage dont le parti pris est littéralement d'encadrer une partie du paysage ; là où un plan plus classique aurait pu choisir d’accompagner le mouvement de la procession. Par ce choix, Yo-Yo Gonthier nous force à rompre avec nos habitudes de consommation de l’image. Au fil de jeux de lumière éblouissants, il nous plonge dans un état de contemplation actif portés par les paroles et les chants envoutants des hommes en voix off.

Le fleuve Niamey et son autre berge sont la destination finale. Pourtant, le sujet de l’oeuvre est bien celui de la quête, du cheminement collectif. L’activation de la perfomance-procession est un prétexte à se rassembler, à célébrer en s’amusant, à s’émerveiller ; et finalement, à s’autoriser à rêver et à s’interroger ensemble. Ici l’artiste est un inventeur-conteur, inventeur d’objets hybrides, conteur d’histoires qui font rêver. L’esthétique de Yo-Yo Gonthier est une esthétique de matières nuancées: déclinaison de gris, images légèrement troubles, voix dont le corps est absent de l’image. C’est une esthétique de l’entre-deux. Elle évolue à la croisée des mondes - plastiques, historiques, géographiques et oniriques. Se lit alors l’enjeu poetico-politique du travail de Yo-Yo Gonthier: s’ancrer dans une terre riche de tout pour pouvoir mieux s’élever, se réécrire et s’inventer. De ses oeuvres comme des manifestes visuels, Yo-Yo Gonthier nous inspire à nous façonner de nouveaux horizons collectifs.

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Delphine Lopez, Galerie Cécile Fakhoury

nuage

ca va faire longtemps qu'on flageole sous le soleil

des heures sans sommeil 

des nuits sans fermer l'oeil

en attendant ton retour comme la plus grande des merveilles 

aujourd'hui on va tous chez les nuages

on va toucher les nuages

 

en attendant parle nous du fleuve et sa traversée

la nuit nue, le clapotement de son écho

la lune derrière les verrières

ses barrières en forme de prison placées entre les frères

ses frontières et les fronts triés

 

nuage

ca va faire longtemps qu'on flageole sous le soleil

des heures sans sommeil 

des nuits sans fermer l'oeil

en attendant ton retour comme la plus grande des merveilles 

aujourd'hui on va tous chez les nuages

on va toucher les nuages

 

mais d'ici là parle nous de tes rencontres et tes rend comptes les fleurs et les senteurs, les terres et leurs couleurs

on croit que la beauté se meurt

mais sur ton visage on voit qu'elle demeure

alors parle nous des communautés que t'as côtoyé

les divinités que t'as vénéré

les sorcières et les sorts d'hier

les gris gris et les cris cris

 

nuage

ca va faire longtemps qu'on flageole sous le soleil

des heures sans sommeil 

des nuits sans fermer l'oeil

en attendant ton retour comme la plus grande des merveilles 

aujourd'hui on va tous chez les nuages

on va toucher les nuages

 

Alors parle nous des politiques et de ce nouveau tic poli

Les hommes et leur folie

Est-ce possible de transposer la synthèse de williamson

Transposer la paix en gaz pour que le monde s’enivre de paix

 

nuage

par ce qu’on nait libre

Parce qu’on est libre

 

texte original de Jhonel pour le film Burey Bambata

 

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Merci aux artistes, à Niamey, Niger

Jhonel (poête slameur), Fiac Sy (chanteur comédien), Edouard Lompo (auteur metteur en scène) Rahina Balarabe Idi (conteuse) Sani Djibo (dessinateur), Fatouma Akiné (plasticienne), Imadan Barba (étudiant), Lassissi (chanteur slameur), Kai windi (chanteur), Aziz Kountche (Africa Drone Service), Marielena Crosato (artiste), Julie Diabira (conseil artistique), Carole Durel (peintre), Isak Abotchi (danseur), les enfants de l'atelier d'arts plastiques du CCFN

A toute l'équipe du CCFN
Centre Culturel Franco Nigérien Jean Rouch
niamey, Niger

et en particulier : Jean-Paul Durin (directeur), Jerôme Labeur (secrétaire général), Olivia Marsaud (production et conseil artistique), Aliou Ousseïni Maïga (régie technique), Frédéric Pechot (regie technique), Ambarka Hassane (assistant de production), Koffi Gbekou (prises de vue vidéo Making off)

et aussi aux Les piroguiers du fleuve niger, à la pillule, Les habitants du quartier de Goudel à niamey

et à tous ceux qui regardent les nuages.

 

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VOIR LE FILM ICI (VOSTFR)
Pour voir le film vous devez être munis d'un mot de passe

SEE THE MOVIE HERE (VOSTENG)
To see the movie you must have a password

 

These few words are the incipit of Yo-Yo Gonthier's latest video, Burey Bambata (The Great Clouds), which the artist made in 2019 in Niamey, Niger. These few words are the poetic manifesto of the video and, as a watermark, tell us just as much about the plastic work that the artist has developed over the past decade. A few words full of a simple and radical hope that never fails to be found in the artist's images; a hope of everyday life rooted in a nature that carries meaning, history and stories.

Burey Bambata, (The Great Clouds) is a collective ode to be revered. Yo-Yo Gonthier chooses the Cloud as the protagonist of the video. The Cloud is this sculpture of several meters of fabric created in 2013 and reactivated several times during performances around the world, from Dakar to Niamey via Reunion Island and Abidjan. In this video, a visual epic shot with the Super 8 camera, Yo-Yo Gonthier brings together the whimsical dreams of an artist as a brilliant inventor and the semantic richness rooted in the history of vernacular customs that touch both the artist's personal history and that of a part of Africa.This film questions the idea of migration and the hypothesis of a return.

A group of men, women and children have gathered under the Cloud. They carry it over their heads, forming a single hybrid being with the sculpture. A procession to the Niamey River begins. It crosses inspiring landscapes of calm, closely linked to imaginary worlds, but whose real character is sometimes doubted: the image generated by the Super 8 camera has here the quilted texture of a dream. The image often creates a tension between the feeling of a movement - the Cloud that crosses the image for example - and the steadiness of the framing, whose aim is literally to frame part of the landscape; where a more traditional shot could have chosen to accompany the movement of the procession. Through this choice, Yo-Yo Gonthier forces us to break with our habits of image consumption. Through dazzling plays of light, it plunges us into a state of active contemplation carried by the bewitching words and songs of the men in voice-over.

The Niger River and its other bank are the final destination. Yet the subject of the work is indeed that of a quest, of a collective journey. The activation of a perfomance-procession is a pretext to gather, to celebrate while having fun, to marvel; and finally, to allow oneself to dream and question together. Here, the artist is an inventor-storyteller, inventor of hybrid objects, storyteller of stories that make people dream. Yo-Yo Gonthier's aesthetics is an aesthetics of nuanced materials: declination of grey, slightly blurred images, voices whose bodies are absent from the image. It's an in-between aesthetic. It evolves at the crossroads of worlds - plastic, historical, geographical and dreamlike. The poetic-political challenge of Yo-Yo Gonthier's work is then to be read: to anchor oneself in a land rich in everything to be able to rise, rewrite and invent oneself better. From his works as visual manifestos, Yo-Yo Gonthier inspires us to shape new collective horizons.

Delphine Lopez, Galerie Cécile Fakhoury